L'encrier

par Hanen Allouch

La médina de l'enfance

©Hanen Allouch

Le pinceau se perd dans les ruelles pailletées

Lumières multicolores autour d’une mosquée

Chant sacré des lieux, parfums d’épices

Sourires, labeur, misère maquillée par pudeur

Générosité de la gratitude, simplicité cultivée

Ma mémoire et mon tableau me refont visiter

Les lieux où une petite fille est née

Terre-Mère, lumière trompeuse qui maquille

Ton Histoire est douleur, un jour sans soleil

Où les barques partent vers la noyade

Quittant les remparts et prenant le large

Vers le souvenir de la gloire de Didon

Jadis souveraine

À la Médina, le visage du passé se fait présent

Et guette les âmes des absents

On y entend encore l’écho des rires

Des enfants noyés en méditerranée

Avant de devenir immigrés

Le deuxième encrier

par Hanen Allouch

Voyage mon ami !

Voyage, mon ami, avec la poésie

Écris mille mots aguerris

Tel un soldat des rimes

En éternelle bataille

Sur le font de la mémoire et de l’oubli

Voyage avec le vent

Tombe comme une feuille d’automne

Vole du creux de la main

Comme une graine qui germe

Décolle des paysages

Et atterris sur le visage du voyageur ébloui

Voyage tel un citoyen du monde

Sûr de lui-même et respecté

Sourire aux lèvres

Passeport tamponné

Et valise à récupérer

Après un bel accueil frontalier

Voyage tel un migrant clandestin

Sur une barque vouée à se noyer

Sans commandant ni capitaine

Rescapé, la peur au ventre

Et la prison à l’arrivée

Voyage sans oublier

Là où tu vas et là où tu aimerais aller

Sans t’attarder sur les accidents

Tel un chevalier surmonte les jalons

Et cours de l’avant, cours vers ta quiétude retrouvée

Voyage ici et ailleurs

Dans les traditions ancestrales et vers l’horizon inconnu

Sois attentif à la nature

Écoute la prière de l’univers, les montagnes et les volcans

Ils te souffleront des réponses tant attendues

Voyage à tes risques et sans t’arrêter

Et ne meurs pas avant d’avoir pensé

À ton tombeau et à là où tu aimerais être enterré

À ta mère, à ta nourrice

Et surtout à ton frère l’étranger

Voyage sans bouger

Aime la vie, ses parfums et ses images

Le goût de ton café, la fleur d’oranger

Ton rêve, tes amours, tes écrits

Tes doutes, tes certitudes

Et tes danses déchainées

Voyage avec ton amant

Embrasse l’océan

Traverse la Méditerranée

Et le désert oublié

Mais n’arrive jamais à destination.

Je te laisse ce testament :

« Voyage mais reste enfant ! »

©Hanen Allouch