L'encrier

par Valentin Delestre

Escale

©Valentin Delestre

Affleurements d’étoiles sur les marrées roulantes                                                     

Au loin brillent deux yeux : l’un rouge et l’autre vert  

L’apparat d’une ville fait l’horizon d’or

De ce miroir obscur d’une lune tremblante

                   

Assise à écouter le chant d’amour d’un peuple                                         

Dont elle sait les désirs et pressent la faillite

Elle s’arrête un instant ; son pied trempé dans l’eau                                                                

porte les marges rouges des vagabonds en fuite. 

                                                                               

Ces marcheurs obstinés sans poursuivants visibles                            

qui boivent, douce-amère, leur solitaire errance                                                                

Se rendent tout au bord de gouffres de silence                                                                        

Dont ils font un départ pour de nouveaux chemins

 

D’ici à ces contrés s’égrainent les escales

Chacune porte en elle un trésor dérobé

Ici c’est une ville à l’horizon, dorée

Qui perce ce silence et berce sa cavale

 

Au débouché des quais, les rues portent en leur flancs                          

Des boui-bouis sans manières, ou caveaux intrigants  

Des naufrageurs s’y penchent sur des tables usés

Et leur folie s’épanche en des chants éraillés

                                             

Le coin des musiciens voit souvent se former                                            

Des attroupements moites, en arc autour de lui                                         

Là, l’ambiance se tend ; une fièvre s’étend                                                   

Qui pour tenter le ciel lance une guerre ancienne

 

C’est un son qu’on entend et soudain l’on s’attend

à percer le Grand Tout le Chaos primordial

Eux l’effleurent du bout de leur souffles. Exsangues

Il faut les voir donner de la sueur et des cris 

 

En déformant leurs corps, leur âme peut toucher                               

Ce que leurs traits premiers ne leur auraient permis

 

L’argent à l’annulaire droit l’or au majeur gauche                               

Chaque accord garde en lui l’écho du précédant                              

Chaque harmonie révèle l’harmonie passée

                                             

Des lampes enfin s’allument, et montant en puissance

Elles font irradier le cuivre qui explose

 

Plus aucun autre autre dieu

n’aura sa place ici

Dans ce qui est la ville à l’horizon doré

D’ici on voit le port dans la nuit étoilée

Où toutes les errances ont fait ce soir escale