L'encrier

par Susy Desrosiers

Belle mauricienne

©Susy Desrosiers

des nuées
des tableaux
grandeur nature
exposés
surexposés

aux crues de son lit
le Mâle pond ses eaux
eaux qui se fracassent
entre mes doigts

bavarde
la Saint-Maurice
murmure
ses airs riverains
vers à mes oreilles

telle l’eau
de cette belle mauricienne
confrontée aux cascades
en mouvements saccadés
mes réminiscences
s’affolent
remontent à la surface
me brûlent les yeux

tes lames
coupantes jusqu’à l’os
éclatent le roc millénaire
qui s’érode
mes carences
mes sentiments pour toi
se fracassent
se meurent
aux parois de mon cœur
grande marée
qui s’use

les flots ébène
sillonnent des kilomètres
sinueux
sur ma chair à vif
éclaboussent écume
amertume
sur mon âme côtière

accrochés à tes jupes
des paysages sauvages
font resurgir à tribord
mes instincts primitifs
mes territoires en friche
ma liberté

ta nature bipolaire
aux humeurs tranquilles
grand miroir étincelant
aux humeurs fougueuses
mon visage déformé
poussé au large
en éclats chancelants

parfois boulimique
tes rives noyées
parfois anorexique
des lambeaux de sécheresse
sur ton échine
je suis ligotée
dans une boîte en fer blanc
mon corps en portage

à contre-courant
mon vague à l’âme
nage en eaux troubles
jusqu’en amont
mon port d’attache
mes origines embâclées

à bras-le-corps
j’épouse tes formes
me dissous en elles
je coule
dans tes veines.